Publié le 07/02/2025

Définition du jour : légitimité

Légitimité : Droit reconnu à une personne (ou plusieurs) de parler et d’agir au nom de principes, valeurs, règles, lois. 

Vulgarisation d’un concept : expertise d’usage

Expertise (substantif, féminin) :  Procédure par laquelle on confie à un ou plusieurs experts le soin de donner un avis […]* 

Expert (adjectif, masculin) :  Spécialiste habilité auprès […] d’une instance quelconque à émettre un avis sur une question exigeant des connaissances spéciales.** 

Synonyme d’expertise : habileté, adresse, expérience  

Autrement dit, ici, l’expert est un “technicien” reconnu et habilité à produire une connaissance sur un sujet précis. Cette reconnaissance se traduit la plupart du temps par un diplôme ou un titre dédié. L’identification des experts est un enjeu politique de taille, car elle fait partie du processus de reconnaissance de la légitimité d’analyse et de discours de ceux-ci sur tel ou tel sujet.  

La plus connue, l’expertise scientifique, s’organise assez simplement autour de socles disciplinaires. Cette expertise scientifique s’avère particulièrement utile au regard des savoirs qu’elle produit et qu’elle peut mettre au service de ses différents partenaires (institutionnels, monde associatif, monde économique, etc.). Sa légitimité réside aussi dans son caractère extérieur, voire autonome, à la situation analysée (bien que, attention, la neutralité totale n’est jamais qu’un objectif vers lequel tendre et non une réalité). Mais d’autres types d’expertises émergent. Elles se font remarquer par leur ancrage dans le traitement opérationnel ou le vécu de la situation analysée : l’expertise professionnelle et l’expertise d’usage. 

“L’idée d’une compétence plus largement distribuée a favorisé, par opposition aux experts ‘officiels’ […], l’émergence d’experts dits ‘profanes’, en raison des connaissances ‘locales’ qui leur sont propres ou parce que les problèmes traités emportent des conséquences concrètes sur leur vie.” *** 

Ce sont donc de nouvelles personnes reconnues comme expertes dont les savoirs et les avis sont légitimes et essentiels à l’action. Ils produisent une connaissance différente sur la situation qu’ils appréhendent directement, de l’intérieur (contrairement au regard extérieur qu’apporte l’expertise scientifique).  

Au cours d’une recherche-action collective, l’expertise professionnelle est centrale et déterminante, car le groupe de travail, composé de conseillers·ères, chargé·es de projet et membres de direction de Missions Locales, est au cœur des réflexions et des productions. Sans eux, rien ne peut être réalisé. Dans ce numéro du Journal de bord, il s’agit aussi de reconnaître l’expertise d’usage des jeunes en Mission Locale. Nous parlons alors de “savoir d’usage”**** voire de “maîtrise d’usage”***** lorsque cela s’inscrit dans la gestion d’un projet. 

“La notion de savoir d’usage se réfère à la connaissance qu’a un individu ou un collectif de son environnement immédiat et quotidien, en s’appuyant sur l’expérience et la proximité.”**** 

Selon la sociologie pragmatique, ce savoir se construit sur la coutume, l’utilisation, la consommation et le maniement :  

“[C’est un] savoir multiple, à la fois lié à l’expérience sensible et concrète du lieu (l’habitant en connaît les dénivelés, les végétations, les cavités, les changements des sols en fonction de la météo), à la coutume révélant une expérience temporelle plus longue du lieu (il sait qu’en certaines périodes le lieu sert plutôt de jeu, que tel jour est jour de marché, qu’il abrite un monument historique) ou encore à l’utilisation (il sait que le parking n’est utilisé qu’épisodiquement).” **** 

Cette illustration par la connaissance d’un lieu peut tout à fait s’appliquer à un équipement public, un dispositif, ou encore une situation de vie. Par exemple, de nombreux acteurs des luttes contre la pauvreté reconnaissent et s’appuient sur ces savoirs quotidiens et cette expertise d’usage (et parfois, presque exclusivement). 

Émerge alors la figure du “citoyen-expert”. Qu’en est-il de celle du “jeune-expert” en Mission Locale et ailleurs ? 

Cette redistribution de la légitimité d’analyse et d’expression est centrale lorsque nous parlons de participation telle que nous l’attendons dans la recherche-action. L’expertise d’usage est reconnue et particulièrement centrale en Mission Locale lorsque le temps dédié à l’accompagnement le permet, lorsque les actions menées se reposent sur la paire aidance, ou encore lorsque des consultations sont organisées sur l’offre de service ou sur des sujets de société. Cette expertise est aussi valorisée lorsque les jeunes mènent des projets en toute autonomie pour créer, s’exprimer et partager. L’évolution du travail social va en ce sens en valorisant les espaces d’exercice du pouvoir d’agir, ici des jeunes mais aussi des professionnel·les.******* 

La reconnaissance de cette expertise d’usage a aussi toute son importance dans le contexte politique et social actuel. Concernant les jeunesses, la participation des publics des Missions Locales aux politiques publiques qui les concernent est indispensable pour faire avancer le traitement des problématiques qu’iels rencontrent. Laisser davantage de place à l’expertise d’usage ou au savoir d’usage dans la construction des politiques publiques serait une évolution favorable. 

“Cette connaissance ancrée dans le quotidien des citoyens s’oppose à celle, plus abstraite et lointaine, des acteurs institutionnels et des experts.”**** 

Les critiques les plus virulentes utilisent le terme de “technocratie” pour désigner certains gouvernements. Elles dénoncent un type de pouvoir légitimé par la technique, par opposition au pouvoir légitimé par les citoyens, rendant cette “technocratie” incompatible avec la démocratie. Si cette analyse peut être radicale, elle reste constructive par son esprit critique et ouvre de nombreuses questions sur les enjeux de gouvernance des démocraties.  

Sources : 

*CNRTL, Lexicographie, Expertise. URL : https://www.cnrtl.fr/definition/expertise  

**CNRTL, Lexicographie, Expert. URL : https://www.cnrtl.fr/definition/expert  

*** Leclerc, O. (2013). Expert. In I. Casillo, R. Barbier, L. Blondiaux, F. Chateauraynaud, J.-M. Fourniau, R. Lefebvre, C. Neveu, & D. Salles (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (1ère édition). GIS Démocratie et Participation. URL : https://www.dicopart.fr/expert-2013  

**** Nez, H. (2022). Savoir d’usage. In G. Petit, L. Blondiaux, I. Casillo, J.-M. Fourniau, G. Gourgues, S. Hayat, R. Lefebvre, S. Rui, S. Wojcik, & J. Zetlaoui-Léger (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (2ème édition). GIS Démocratie et Participation. URL : https://www.dicopart.fr/savoir-d-usage-2022  

****** Fenker, M, Zetlaoui-Léger, J. (2022). Maîtrise d’usage. In G. Petit, L. Blondiaux, I. Casillo, J.-M. Fourniau, G. Gourgues, S. Hayat, R. Lefebvre, S. Rui, S. Wojcik, & J. Zetlaoui-Léger (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (2ème édition). GIS Démocratie et Participation. URL : https://www.dicopart.fr/maitrise-d-usage-2022  

****** Damay L., 2009, Construire le politique au cœur de l’action publique participative. Une analyse du budget participatif de la ville de Mons, thèse de sciences politiques et sociales, université de Saint-Louis. 

Ressources bibliographiques

Demoustier, S. (2021), “Une nécessaire évolution de notre rapport à la vulnérabilité et à l’expertise d’usage La participation : posture plus que simple outil ?”, Les Cahiers de l’Actif, N° 538-539(3), 141-155. https://doi.org/10.3917/caac.538.0141

Fenker, M, Zetlaoui-Léger, J. (2022). Maîtrise d’usage. In G. Petit, L. Blondiaux, I. Casillo, J.-M. Fourniau, G. Gourgues, S. Hayat, R. Lefebvre, S. Rui, S. Wojcik, & J. Zetlaoui-Léger (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (2ème édition). GIS Démocratie et Participation. URL : https://www.dicopart.fr/maitrise-d-usage-2022 

Hatzfeld, H. (2013). Légitimité. In I. Casillo, R. Barbier, L. Blondiaux, F. Chateauraynaud, J.-M. Fourniau, R. Lefebvre, C. Neveu, & D. Salles (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (1ère édition). GIS Démocratie et Participation. URL : https://www.dicopart.fr/legitimite-2013 

Leclerc, O. (2013). Expert. In I. Casillo, R. Barbier, L. Blondiaux, F. Chateauraynaud, J.-M. Fourniau, R. Lefebvre, C. Neveu, & D. Salles (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (1ère édition). GIS Démocratie et Participation. URL : https://www.dicopart.fr/expert-2013  

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