Publié le 03/02/2025
Pouvez-vous revenir sur les semaines qui ont suivi le passage du cyclone et sur l’action des professionnel.les de votre structure ?
Lorsque nous avons appris que notre île allait être frappée par le cyclone, nous étions bien loin d’imaginer les conséquences qu’il allait entraîner. Nous avons été surpris par son ampleur, non pas par manque d’alerte ou de préparation, mais parce que, dans l’imaginaire de la population, nous n’avions pas pu concevoir un tel drame, notamment car nous n’avions jamais connu un niveau d’alerte aussi élevé – le cyclone était classé en alerte violette.
L’ampleur des dégâts humains et matériels nous a profondément choqués. L’autre choc a été de se retrouver complètement coupés et isolés, du reste du monde mais aussi les uns des autres : nous n’avions plus de moyens de communication et aucun moyen de sortir de nos quartiers à cause des dégâts. Nous avons ainsi été figés dans le temps pendant une semaine, sans possibilité d’avoir des nouvelles des communes voisines.
Après le passage, notre directeur de la communication, a toutefois réussi, dès le lundi 16, à se rendre sur nos sites pour constater les dégâts. De mon côté, je suis allée voir les salariés proches de mon domicile pour prendre de leurs nouvelles. Petit à petit, nous avons réussi à reprendre contact avec l’ensemble de l’équipe. Pendant ces premiers jours, chacun était occupé à sécuriser sa famille et son domicile. Cette première étape après le cyclone nous a pris trois semaines. Nous avons ensuite commencé à reprendre contact avec les jeunes, par téléphone, par mail, par les réseaux sociaux, mais aussi en rejoignant des équipes de maraude qui se sont rendues dans les quartiers.
Grâce à l’investissement de l’équipe, nous avons ensuite pu rouvrir certains sites, de manière dégradée, permettant à des conseillers, selon leur envie et leur état moral, de rencontrer et d’échanger avec les jeunes. D’autres ont également repris en télétravail, permettant à la Mission Locale de reprendre progressivement son activité.
La situation de la Mission Locale après le passage du cyclone
Le passage de la tempête a entraîné d’importants dégâts matériels sur les lieux d’accueil de la Mission Locale : sur les 7 antennes, 2 ont vu leurs toitures arrachées et 5 ont été inondées. Le siège a cependant été relativement épargné. Aucune victime n’est à déplorer parmi les professionnel.les, bien qu’une douzaine d’entre eux aient vu leurs habitations partiellement ou totalement détruites.
Quelle est la situation actuelle des jeunes Mahorais accompagnés par la Mission Locale ?
Lors de cette reprise de contact, nous leur avons fait parvenir un questionnaire, conçu par notre psychologue. Nous souhaitions connaître leur état psychologique, matériel et financier après cet événement traumatisant.
À ce jour, 800 jeunes ont répondu. Leurs retours nous ont permis de mettre en œuvre des accompagnements appropriés pour répondre à leurs besoins immédiats. Ce questionnaire nous a révélé que ces jeunes sont dans un état de traumatisme dont ils n’ont pas toujours conscience. En analysant les résultats, nous avons retrouvé ce même choc que nous avons ressenti après le cyclone. Certains ont frôlé la mort, d’autres ont vu des personnes périr. Paradoxalement, malgré les situations très dures qu’ils ont vécues, 80 % des répondants ont décliné notre proposition de suivi psychologique. Leurs premières demandes concernaient avant tout des besoins primaires : avoir un toit, un accès à l’eau potable…
De manière générale, cette catastrophe ne fait qu’accentuer la précarité que connaissent les jeunes de notre île. Elle va accroître les difficultés qu’ils rencontraient déjà : problématiques de mobilité, de formation, d’insertion, accès aux loisirs… Le cyclone a encore plus complexifié la situation de la jeunesse mahoraise.
Quelles sont les prochaines actions de la Mission Locale de Mayotte pour les semaines et mois à venir ?
Dès ce lundi 3 février, nous allons reprendre en présentiel sur les sites en état. Notre objectif est de créer des espaces d’expression afin que chacun, professionnel.les et jeunes, ait la possibilité de s’exprimer et de ne pas rester isolé. Des accompagnements collectifs sont proposés aux professionnel.les avec la médecine du travail. Nous allons également banaliser les mercredis pour organiser des temps de brainstorming entre collègues et réfléchir à des solutions adaptées aux jeunes.
Pour les jeunes, nous allons organiser un moment convivial pour leur permettre de s’exprimer, de plaisanter et de libérer leur esprit. Un projet de film, scénarisé, réalisé et monté par les jeunes est également prévu pour leur permettre de témoigner de ce qu’ils ont vécu.
Enfin, nous avons répondu à l’appel à projets de la Fondation de France pour mettre en place un accompagnement itinérant. L’idée est d’acquérir un bus pour se rendre au plus près d’eux.
Contribuer au soutien national de la Mission Locale de Mayotte
Face à cette situation exceptionnelle, dont les impacts vont s’inscrire sur la durée, l’ARML Océan Indien a ouvert, le 30 décembre 2024, une caisse nationale de solidarité destinée à soutenir ses professionnel.les de la Mission Locale et ses 7 antennes ainsi que les 10 000 jeunes accompagnés. L’Union s’associe à cet appel à la solidarité et à la générosité de l’ensemble du réseau des Missions Locales. Les premiers fonds récoltés à ce jour ont permis de financer le remplacement de téléphones portables et de kits internet 4G itinérants pour les professionnels de la Mission Locale ainsi que l’acquisition de bons alimentaires. Pour connaître les modalités de participation et en savoir plus, les structures sont invitées à contacter l’ARML Océan Indien : .
Pour conclure, avez-vous un dernier mot à ajouter ?
Je tiens particulièrement à remercier toutes les Missions Locales et nos collègues de l’hexagone et des outre-mer pour leurs messages de soutien, leurs pensées et leurs contributions. Nous sommes un petit territoire au milieu de l’Océan Indien, et tous ces messages nous ont beaucoup touchés, l’ensemble de l’équipe et moi-même. Nous nous rendons compte que notre réseau est une grande famille.
Une mobilisation nationale pour soutenir la Mission Locale
Le passage de la tempête a entraîné la mise en place d’une cellule de crise et d’un plan d’action national visant à soutenir la Mission Locale de Mayotte. Coordonné par l’Union nationale des Missions Locales, la Mission Locale de Mayotte et l’ARML Océan Indien, en étroite collaboration avec les partenaires du réseau (DGEFP, France Travail, La Croix-Rouge…), il vise à soutenir matériellement la structure (achat de matériel de télécommunication…), ses professionnel.les (ouverture d’une ligne d’écoute, mobilisation de la prévoyance pour ceux ayant perdu leur logement…) et les jeunes accompagnés (achat de bons alimentaires, déblocage des enveloppes PACEA, émissions à venir avec le média jeunes « »Lab’ON ID » pour leur donner la parole…).