Un article de Sophie Massieu, diffusé avec l’aimable autorisation d’AEF à l’origine de l’article.
« Le sujet du repérage et de l’orientation des « jeunes invisibles » (ou apparentés) était central dans la Stratégie […]. Bien que plusieurs de ces mesures aient mis du temps à se déployer, à l’instar de l’obligation de formation pour les 16-18 ans ou encore de l’accompagnement systématique des jeunes sortants de l’ASE, il semblerait que la capacité à identifier et orienter ces publics vers des structures d’accompagnement se soit améliorée. »
Le ton est donné. Selon le Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (2018-2022), le volet « emploi et formation », qui comptait 10 mesures, a obtenu des résultats non négligeables. Et ce sur ses deux axes principaux que sont l’accompagnement des jeunes les plus éloignés de l’emploi, et celui des personnes vulnérables en quête d’insertion professionnelle. Toutefois, à plusieurs reprises, les auteurs de ce troisième rapport annuel d’évaluation font observer qu’il est difficile d’interpréter certaines statistiques, dans ce domaine comme dans l’ensemble des champs étudiés.
Des invisibles mieux repérés
Sans toujours s’estimer en mesure de faire la part de ce qui revient à la stratégie nationale ou à d’autres mesures prises, notamment dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » lancé par l’État à l’été 2020 pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire, les auteurs saluent toutefois la « montée en charge progressive » du repérage des décrocheurs, au travers de l’obligation de formation des 16-18 ans.
Selon eux, le PIC (Plan d’investissement dans les compétences), par le biais d’appels à projets, a permis de mieux repérer les invisibles.
Même observation, au vu de l’augmentation du nombre de bénéficiaires de la Garantie jeunes. 351 310 y ont souscrit en trois ans, et ils étaient 170 750 pour la seule année 2021 (en hausse de 85 % par rapport à 2020, qui avait compté 91 986 inscrits).
L’objectif de 200 000, fixé par le plan France relance, n’a toutefois pas été atteint. Quant au dispositif Pacea dont la Garantie jeunes est une modalité, il a suivi la même courbe.
Pour les auteurs, « cette amélioration s’est produite par le biais d’un meilleur maillage du territoire ainsi que de l’instauration de dynamiques partenariales renforcées, en particulier entre les acteurs de l’éducation et ceux de l’insertion professionnelle (au premier rang desquels les missions locales, qui ont vu leur rôle réaffirmé). »
Des besoins encore non couverts
Ces dispositifs sont amenés à être remplacés par le Contrat d’engagement jeunes, en place depuis le 1er mars 2022. Rien de surprenant pour le Comité d’évaluation, qui appuie :
« L’augmentation constatée du nombre de jeunes accompagnés n’est pas suffisante pour couvrir l’étendue des besoins et la situation des jeunes, avec une persistance du taux de Neet, reste préoccupante. »
Malgré tout, le Comité d’évaluation salue également la croissance du taux de sorties vers l’emploi et la formation, pour atteindre, en 2021, 43,8 % pour les bénéficiaires de la Garantie jeunes, et 43,9 % pour ceux relevant du Pacea.
En outre, une « garantie d’activité » a été créée à l’intention des personnes les plus vulnérables. Dans ce cadre, 55 648 allocataires du RSA ont fait l’objet d’un « accompagnement global », assuré conjointement par les départements et Pôle emploi.
Orientation des bénéficiaires du RSA
La stratégie de lutte contre la pauvreté prévoyait aussi que ces allocataires devaient être orientés dès le premier mois de leur perception du RSA. En 2021, un peu plus d’un sur deux (56 %) s’était en effet retrouvé dans cette situation. Des chiffres que nuance le Comité d’évaluation, en soulignant leur caractère partiel.
Même réserve quant à évaluer ce que doit la création du SPIE (Service public de l’insertion et de l’emploi) à la stratégie de lutte contre la pauvreté. Les auteurs notent qu’elle y aura contribué, sans pouvoir aller tellement plus loin :
« La mise en place du SPIE, mesure emblématique de la Stratégie […], reste encore à ses balbutiements. Au vu de la façon très hétérogène dont les expérimentations se sont développées sur les territoires, il sera très difficile de réussir à évaluer ce qui fonctionne et de ce fait de capitaliser sur toutes ces initiatives. »
Avant de faire remarquer : « L’accompagnement des bénéficiaires du RSA, notamment sur le volet ‘Accompagnement social’, reste l’un des grands chantiers de la lutte contre la pauvreté. »
Insertion par l’activité économique
Enfin, le Comité indique qu’au 31 décembre dernier, 142 000 salariés (contre 132 000 en 2018) œuvraient dans une des 4 250 structures d’insertion par l’activité économique. Un chiffre décevant, au regard de l’objectif de 240 000 postes visé à fin 2022 :
« En ce qui concerne l’insertion par l’activité économique (IAE), les objectifs quantitatifs annoncés n’ont pas été atteints, en particulier sur le nombre de bénéficiaires. Cependant, une consolidation du secteur semble s’être opérée, avec une augmentation sensible des structures d’IAE ainsi qu’une amélioration de l’accompagnement des travailleurs en IAE. »
Avant de nuancer à l’instar des observations formulées régulièrement par la Cour des comptes sur le même sujet :
« Une question sur l’efficacité de l’IAE comme passage vers l’emploi ‘traditionnel’ demeure, notamment au regard des montants investis. »
Pour les années à venir, le Comité d’évaluation recommande de conserver une même priorité :
« L’insertion professionnelle des jeunes, en particulier non qualifiés, doit rester au cœur de toutes les politiques de lutte contre la pauvreté. »
Les rapports du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2018-2022 sont à retrouver sur le site de France Stratégie