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Un article d’Alexandra Turpin/AEF, diffusé avec leur aimable autorisation
La commission de l’insertion des jeunes du COJ (Conseil d’orientation des politiques de jeunesse), présidée par Antoine Dulin, a travaillé sur l’obligation de formation des jeunes de 16 à 18 ans, mise en œuvre depuis la rentrée 2020. Le rapport a été adopté le 13 octobre 2021 par les membres du COJ. Il a été remis à Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, mardi 23 novembre 2021.
Cette obligation « doit encore trouver sa place »
La création de cette obligation a été annoncée par Emmanuel Macron, lors de la présentation du plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté en 2018. Elle a pris forme avec l’article 15 de la loi du 26 juillet 2019 pour une « école de la confiance ». Depuis la rentrée 2020, tout jeune mineur de 16 à 18 ans qui est Neet, est concerné par cette exigence. Cette mesure s’inscrit dans le prolongement des efforts menés depuis plusieurs années, notamment avec les PSAD (plates-formes de suivi et d’appui aux décrocheurs). Les différents dispositifs ont permis de réduire le nombre de jeunes ayant décroché chaque année, passé de 140 000 en 2010 à 89 000 en 2021.
Le lancement de l’obligation de formation est intervenu dans un contexte difficile de crise sanitaire. « Cependant, d’autres facteurs sont venus impacter le déploiement de cette mesure phare du quinquennat : la méthodologie de recensement des publics concernés, l’absence de visibilité malgré la communication déployée et la complexité de l’écosystème d’acteurs », résume le COJ.
Le Conseil salue les efforts d’ingénierie menés. Toutefois, cette obligation doit encore « trouver sa place au sein du paysage institutionnel dans les territoires, non pas comme un dispositif isolé et/ou complémentaire mais bien, comme une responsabilité confiée à la collectivité publique de permettre à chaque jeune d’acquérir des compétences au-delà de l’obligation scolaire ».
Un « nouveau rôle » pour les Missions Locales
Cette obligation consacre un « nouveau rôle » pour les Missions Locales, rappelle le rapport. « Partie prenante des PSAD, elles contribuent au repérage des jeunes ainsi qu’à leur mobilisation, leur accompagnement et leur suivi dans un parcours », précise-t-il. Elles assurent aussi le contrôle du respect par tous les jeunes de 16 à 18 ans de leur obligation de formation. Elles doivent « être en mesure d’indiquer à un temps T si le jeune respecte ou non son obligation de formation », poursuit le document. En conséquence, le réseau des Missions Locales a construit le programme « Avenir en main 16-18 » qui comprend un cadre commun. Une enveloppe de 20 millions d’euros a été dévolue aux Missions Locales afin de contribuer notamment au repérage des jeunes concernés et de nommer un référent dédié dans chaque Mission Locale. Pour rappel : le programme Avenir en main
En outre, au-delà des mineurs qui bénéficient d’une formation, les mineurs en parcours d’accompagnement sont également considérés comme satisfaisant à l’obligation de formation. Cela concerne par exemple, ceux qui sont inscrits en Pacea, en Garantie jeunes, en E2C ou en SMV.
Le COJ souligne, aussi, que Pôle emploi participe à la mise en œuvre, en s’assurant que tous les mineurs inscrits auprès du premier opérateur du SPE bénéficient d’une action d’accompagnement adaptée. Soit par un dispositif d’accompagnement (AIJ, accompagnement renforcé, global) ou une formation, soit avec une orientation vers les missions locales.
« »Dysfonctionnement » des interconnexions entre SI
Le rapport précise que la comptabilisation des jeunes relevant de l’obligation de formation fait l’objet de débats et qu’il est difficile d’estimer le nombre exact de jeunes concernés. Ce biais s’expliquerait par « le dysfonctionnement » des interconnexions entre système d’information recensant les publics concernés, l’absence de quantification à temps réel des flux entrées-sorties et la difficile prise en compte des publics « hors radars ».
Depuis 2011, le repérage des décrocheurs s’appuie sur un système d’information dédié, le SIEI (Système interministériel d’échanges d’information). L’obligation de formation s’appuie sur ce système également. « Le croisement des bases de données du ministère chargé de l’Éducation nationale (SIEI) et du ministère chargé de l’Emploi (i-milo) nécessite toujours des améliorations tant il est complexe de les raccorder, toutes deux faisant l’objet de développement pour y repérer spécifiquement cette nouvelle population de jeunes », analyse le rapport.
Ainsi, les listes des jeunes en situation de décrochage scolaire transmises contiennent un nombre important d’informations non actualisées sur la situation du jeune. « Cette situation conduit les co-pilotes des PSAD (missions locales et CIO) à un travail d’actualisation des listes », constate le COJ. Il arrive ainsi qu’un nombre non négligeable de jeunes se trouve en situation de respect de l’obligation de formation, ce qui ne correspond pas aux informations de la liste. Une autre difficulté liée à l’interconnexion des systèmes d’information concerne l’impossibilité pour les Missions Locales d’enregistrer des jeunes dont la domiciliation rattachée à un établissement scolaire ne coïncide pas avec celle du jeune dans la Mission Locale.
Eviter de perdre des jeunes
En outre, tout dossier de jeunes de 16 à 18 ans, qui se présentent dans une Mission Locale, arrive dans les échanges des systèmes d’information avant même que ces dossiers ne soient complets (par exemple absence du prénom, de l’adresse). « Le contrôle de leur situation au regard de l’obligation de formation est réalisé après cet enregistrement. Ces dossiers en nombre important surchargent l’actuel système d’information partagé », poursuit le COJ.
Ce sujet technique n’est pas « anecdotique » car « l’enjeu est d’éviter de perdre des jeunes et de gaspiller de l’énergie sur des dossiers de jeunes qui ont déjà une solution », met en garde le Conseil. Le COJ recommande, en attentant d’avoir un système d’information unique partagé par les acteurs, d’arrêter dès maintenant une liste commune de données, avec une définition partagée par tous. Il souligne aussi l’importance d’instaurer des chartes de confidentialité et de respecter les règles du RGPD. Le Conseil propose de mettre en place, dès janvier 2022, un outil numérique qui identifie en temps réel les jeunes en décrochage de tous horizons.
Appels à projet du pic
Le rapport s’intéresse également, à la difficile prise en compte des publics « hors radars ». Les PSAD, co-animées par les directeurs de Mission Locale et directeurs de CIO, ont été « redynamisées » avec l’introduction de l’obligation de formation. Mais des problèmes « semblent persister » sur certains territoires en termes de collaboration entre les Missions Locales et les services de l’Éducation nationale, remarque le COJ.
De nombreux acteurs mènent des expérimentations en termes de repérage des publics dits « invisibles », notamment dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences. Le rapport recommande de dresser le bilan des expérimentations « Repérage et mobilisation des invisibles » ainsi que « 100 % inclusion », afin de capitaliser les bonnes pratiques.
De plus, le document recommande de généraliser sur l’ensemble des territoires l’orientation des publics « hors radars » vers la Mission Locale ou le CIO, ou à défaut l’information de ces structures sur le suivi de ces publics. C’est ce qui se passe, par exemple, pour les E2C. Si un jeune relevant de l’obligation de formation se présente auprès d’une E2C, la Mission Locale sera informée ou, le cas échéant, le jeune pourra être envoyé vers un conseiller de cette structure.
Démarche intéressante du Prij
En parallèle de la gestion des données via les systèmes d’information, une communication nationale a été lancée. En janvier 2021, un numéro vert a été mis en place. Selon le COJ, les retours sur ce numéro vert « ne sont pas encourageants ». Il note que le plan « Un jeune, une solution » a « pris une place prépondérante dans la stratégie de communication, au détriment de l’obligation de formation ».
« Mener une communication ne consiste pas uniquement à identifier les publics relevant de l’obligation de la formation », remarque le COJ. Il souligne l’importance de « mobiliser » ces publics. La démarche du Prij est ainsi intéressante : 160 référents issus de différentes structures ont été identifiés pour reprendre physiquement contact avec les jeunes, en effectuant du porte à porte, mais aussi pour les suivre tout au long de leur parcours.
Le rapport recommande de constituer, dans les territoires, un réseau de référents pour mener un travail de repérage de jeunes de ce type. « Ces référents proviendront des structures ne relevant pas uniquement du SPE. Il faudra s’assurer que le lien soit fait avec les acteurs du SPE dans une logique de parcours sans couture et d’accès au droit à l’accompagnement des jeunes », poursuit le Conseil.
Le sport : un levier efficace
Le rapport fait état de l’absence d’affichage « du guichet unique et neutre ». Les Missions Locales assurent un service de proximité mais certaines « disposent de locaux peu visibles et peu accessibles ». Avec l’augmentation des effectifs de la Garantie jeunes, la problématique des locaux s’est accentuée. En outre, le document souligne l’importance d’accéder aux Missions Locales sans rendez-vous pour une première orientation du jeune et engager une démarche d’insertion. « Parfois, l’attente d’un rendez-vous peut démobiliser le jeune », poursuit le document.
En conséquence, il propose des permanences au sein des lieux de socialisation des jeunes (mairies, réseau Info Jeunes, centres sociaux, associations de quartiers, associations sportives, associations de protection de l’enfance, centres d’hébergement d’urgence, etc.) pour expliquer l’obligation de formation et l’accompagnement proposé par les partenaires.
Très souvent, les jeunes mineurs Neet ne sont pas prêts à réintégrer un parcours de formation ni à entrer dans un dispositif de droit commun. Le COJ recommande la mise en place d’actions en amont d’une offre de solution pour ces jeunes relevant de l’obligation de formation. Le sport constitue notamment un « levier efficace », par exemple via le dispositif Sesame.
Missions locales : financement variable des départements
En cas de non-présentation du jeune ou de son refus des solutions proposées, les textes réglementaires prévoient dans un premier temps une convocation du jeune et de sa famille. Ensuite, si le refus persiste, la Mission Locale saisit alors le président du conseil départemental afin de mobiliser la palette d’actions sociales et de prévention.
« Le conseil départemental peut être saisi, dans certains territoires, en dernier recours comme si l’aide sociale à l’enfance était perçue comme la sanction ultime à l’obligation de formation. Or, ce n’est pas du tout l’esprit qui a conduit à la mise en place de cette obligation de formation », souligne le COJ. Il plaide donc pour la mise en place d’un groupe de travail avec l’ADF pour formaliser d’ici janvier 2022 un référentiel commun et partagé sur les modalités d’intervention.
Le réseau des Missions Locales précise qu’il existe des inégalités territoriales marquantes d’un département à un autre concernant les financements dédiés à l’insertion des jeunes. Le COJ propose donc de « mettre fin aux inégalités territoriales » de dotations financières entre les Missions Locales, en particulier de la part des départements dont l’investissement relatif à l’insertion des jeunes « varie fortement ».
Psychologues dans les Missions Locales
Enfin, le COJ recommande de proposer une offre territoriale, aujourd’hui insuffisante, en matière d’accompagnement psychologique et/ou médical des jeunes relevant de l’obligation de formation. Par exemple, il plaide pour financer l’intervention de psychologues au sein des Missions Locales ou pour développer l’accès au dispositif d’emploi accompagné pour les mineurs disposant de la RQTH.
La promo 16-18 de l’Afpa
Le dispositif « La Promo 16-18 » est une nouvelle offre de service créée par l’Afpa pour répondre aux besoins des jeunes mineurs en décrochage scolaire et relevant de l’obligation de formation. L’orientation des jeunes est quasi exclusivement réalisée par le réseau des Missions Locales. « Une collaboration avec Pôle emploi est en cours de réflexion, notamment pour élargir la prescription », indique le rapport.
Le COJ propose, de plus, de garantir a minima une inscription en Pacea pour les jeunes bénéficiant de « La Promo 16-18 ». Une entrée préalable dans un Pacea permet à la Mission Locale de mobiliser, le cas échéant, l’allocation au profit du jeune concerné pour ses frais de déplacement par exemple.