Publié le 02/05/2023

*Parution avec l’aimable autorisation d’AEF

Le CEJ (Contrat d’engagement jeune) a soufflé sa première bougie en mars 2023 et le gouvernement en a dressé un bilan très positif, tant sur le nombre de jeunes touchés que sur la qualité de l’accompagnement. Les heures d’activités auxquelles participent les jeunes en CEJ sont d’ailleurs citées comme modèle pour la réforme de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA dans France Travail.

Déployé depuis mars 2022

L’Igas s’est aussi penchée sur ce Contrat d’engagement jeune, dans un rapport publié mercredi 26 avril 2023. La mission (1) est plus mesurée, dressant un bilan « loin d’être négatif » mais « contrasté ». Elle s’est surtout penchée sur les conditions de déploiement plutôt que sur l’efficacité « par principe encore incertaine » pour une première année.

Le Contrat engagement jeune est un dispositif d’accompagnement et d’insertion professionnelle à destination des jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont ni en formation, ni en emploi, ni en études. Il est déployé depuis le 1er mars 2022 par les 900 agences locales de Pôle emploi et par les 440 Missions Locales pour l’emploi, où il prend la suite de la Garantie Jeunes.

70 % des bénéficiaires déjà connus du SPE

Avec 301 725 jeunes ayant intégré le CEJ fin janvier 2023, le volume global est proche de ce qui a été annoncé (300 000 fin décembre), remarque l’inspection. Elle note un dynamisme « incontestable ». La composition des publics est également conforme aux attentes des pouvoirs publics.

« 70 % des bénéficiaires du CEJ étaient déjà suivis par le service public de l’emploi », révèle le rapport. Cela montre que les deux réseaux « poursuivent leurs efforts » pour aller vers de nouveaux publics, mais que les bénéficiaires restent très majoritairement des jeunes déjà pris en charge. La mission pose donc la question de la capacité du dispositif à prendre en charge l’intégralité des 900 000 Neet.

Elle estime que les caractéristiques du dispositif le rendent « particulièrement adapté pour une large part » des jeunes. Toutefois ses exigences propres et ses ambitions d’insertion professionnelle à court terme « le rendent sans doute moins accessible pour les autres ». Le déploiement du dispositif CEJ-Rupture pour les jeunes les plus en difficulté doit venir répondre à ce besoin mais il faudra s’assurer que « la couverture globale répond aux objectifs poursuivis ».

Activités : 40 % des jeunes font moins de 15 heures

Les 15 à 20 heures d’activités obligatoires chaque semaine constituent une spécificité du CEJ. Les tableaux de bord nationaux indiquent qu’en dépit d’une moyenne d’activité supérieure à 15 heures, 40 % des bénéficiaires n’atteignent pas ce seuil et 20 % sont en dessous de 5 heures. L’entretien hebdomadaire, également au cœur du dispositif, serait quant à lui réalisé dans moins d’un cas sur deux.

Les investigations de terrain et les travaux complémentaires de la mission ont toutefois montré la très faible signification de ces agrégats nationaux du fait de la grande diversité des pratiques. La mission préconise donc de limiter ce suivi au niveau local.

L’Igas regrette, également, l’intérêt « encore plus limité » du tableau de bord de suivi des sorties. L’information n’est pas toujours disponible, certains jeunes peuvent relever de plusieurs catégories (déménagement, abandon, fin du CEJ…) et le décompte global compare des situations qui ne devraient pas l’être. Pour suivre l’objectif d’insertion professionnelle, la mission préconise un suivi du taux d’emploi par cohorte entrée dans le CEJ, déjà mis en place pour les bénéficiaires inscrits à Pôle emploi. La mission propose ainsi de recentrer les tableaux de bord nationaux sur cet indicateur, sur ceux relatifs à la composition des publics et sur le suivi du recours aux stages en entreprises et aux solutions structurantes.

Concurrence entre Pôle emploi et les Missions Locales

Le déploiement du CEJ par deux réseaux différents, Pôle emploi et les Missions Locales, constitue une nouveauté « sans réel précédent », remarque le rapport. Ce choix a « sans doute participé de la bonne dynamique observée » mais a « entraîné une mise en concurrence des opérateurs ». Cela a « mis à mal » le travail de coopération opéré depuis plusieurs années.

L’Igas décrit ainsi une « baisse spectaculaire » de 38 % des orientations de jeunes demandeurs d’emploi vers les Missions Locales. Si une segmentation stricte des publics paraît « inatteignable », la mission préconise, a minima, de bien veiller à l’orientation ou à la réorientation des jeunes présentant des freins périphériques vers les missions locales.

Pour atténuer les effets les plus négatifs de la concurrence, elle recommande également que le déploiement territorial se fasse selon une programmation « coordonnée et transparente », avec des critères partagés. À moyen terme, la mise en place de France Travail doit être l’occasion de garantir cet effort de coordination, précisent les auteurs.

Unifier les outils

Les deux réseaux ont des organisations différentes et cela a aussi eu des conséquences. Ainsi, si les « portefeuilles » de bénéficiaires du CEJ par conseiller de Pôle emploi sont fixés nationalement à 30 personnes pour des contrats de six mois, les Missions Locales ont fait des choix très divers, avec des conseillers accompagnant 20 à 50 jeunes en CEJ mais également dans certains cas, une centaine d’autres dans le cadre du dispositif propre des ML (Pacea ou autres).

De même, le système d’information des missions locales (SI-Milo) et sa gouvernance, conjugués aux nouvelles exigences de suivi ont entraîné une « surcharge administrative importante » en mission locale. Avec pour conséquence d’engendrer des réticences « parfois fortes » à l’égard d’un dispositif dont l’intérêt de principe est pourtant salué au sein des deux réseaux.

Pour résoudre en partie ce problème, la mission insiste sur l’importance du déploiement prévu de l’interfaçage entre l’appli CEJ et SI-MILO. Dans le cadre de France Travail, l’unification des outils et des démarches auprès des opérateurs « doit permettre des progrès significatifs », note l’Igas.

Offres de services à mieux partager

L’autre particularité du dispositif, par rapport à la Garantie jeunes notamment, a été son déploiement sur l’ensemble du territoire simultanément. Ce choix a eu des « conséquences fortes », en particulier pour les missions locales qui ne bénéficient pas « structurellement d’une capacité nationale de planification ». « Les frictions observées sur le terrain et les difficultés importantes qui ont été relevées pendant les premiers mois de mise en œuvre lui sont sans doute imputables », analyse l’Igas. L’inspection estime que les offres de service mériteraient d’être « mieux partagées voire mutualisées » notamment dans le domaine de la santé mentale ou de la mobilité par exemple.

Ce déploiement rapide a également laissé les services territoriaux de l’État dans une « situation ambiguë ou leur rôle paraît peu clair et leur action dépourvue de leviers globaux ».

Des contacts plus précoces avec la vie professionnelle

Le principe des dispositifs d’accompagnement comme le CEJ consiste à construire ou préciser un projet professionnel et à aboutir in fine à une insertion professionnelle durable, rappelle l’Igas. Dans cette optique, un stage (PMSMP) ou un contact avec la vie professionnelle précoces paraissent « essentiels ». La mission recommande de fixer des « objectifs ambitieux » dans ce domaine.

Pour y parvenir, les dispositifs de mobilisation des entreprises sont des outils potentiellement utiles mais donc l’impact actuel est « limité », remarque l’inspection. La mission propose a minima de mieux suivre les déclinaisons locales des grands engagements nationaux mais surtout d’intensifier les démarches en commun entre Missions Locales et agences.

Mieux connaître les « solutions structurantes »

Pour aboutir à l’insertion, les différentes solutions structurantes mises en avant dans le CEJ peuvent aussi jouer un rôle. « Cette catégorie hétéroclite (mais définie réglementairement) regroupe aussi bien des formations que des solutions d’accompagnement et de prise en charge aux buts identiques à ceux poursuivis dans les deux réseaux, qui peuvent concerner des publics plus ou moins restreints », explique le rapport. L’Epide, les E2C, les services civiques, l’IAE, les PEC ou les CDD Tremplin y figurent.

Contrairement aux attentes, le déploiement du CEJ ne s’est pas accompagné d’une croissance particulière de ces solutions en dehors de la formation. La mission recommande de lancer des travaux entre les deux réseaux et les porteurs de solutions pour une meilleure connaissance des outils.

L’Igas propose de faire évoluer l’allocation CEJ, dont le montant varie en fonction des ressources. La mission plaide pour une extension conditionnelle de l’allocation adulte aux mineurs et des possibilités de cumul plus cohérentes avec l’objectif d’insertion, en s’inspirant des règles de la Garantie jeunes. Alors que le montant maximal de l’allocation CEJ a été fixé à 500 € mensuels pour les jeunes majeurs, elle est plafonnée à 200 € pour les mineurs.
Par ailleurs, le mécanisme de sanction apparaît aujourd’hui « inadapté et inefficace », relate le rapport, même si son principe est bien accepté par les conseillers. Il apparaît « complexe, trop lent et d’une portée pédagogique faible ». La mission propose de le rendre plus souple et plus rapide et de permettre une voie de recours auprès des services de l’État en cas d’exclusion.
(1) Rapport de Laurent Vilboeuf et Thomas Wanecq.

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