Un article de Gwénaëlle Conraux, diffusé avec l’aimable autorisation d’AEF.
« Nous avons une difficulté : former les professionnels à accueillir, écouter et avoir le comportement adapté face aux personnes handicapées », reconnaît Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée en charge des Personnes handicapées, vendredi 31 mars 2023, à l’occasion d’une table ronde organisée par la Mission Locale de Haute-Garonne, dans le cadre de la semaine dédiée aux troubles du spectre autistique. « Il faut amplifier les formations, qualifiantes, en particulier dans tous les domaines de l’accueil », poursuit-elle.
« Les Missions Locales ont une mission généraliste mais nous savons nous entourer de spécialistes pour répondre aux besoins », indique Sabine Geil-Gomez, présidente de la MLI Haute-Garonne. Sur les 11 000 jeunes suivis en 2022 par la structure, 700 bénéficient d’une RQTH, sans que la part de jeunes autistes ne soit quantifiée.
PERMETTRE AUX CONSEILLERS DE REPÉRER LES TSA
La structure d’accompagnement des 16-25 ans a proposé à ses cinq conseillères référentes santé/handicap de se former au repérage des TSA. Toutes ont accepté. Elle s’est appuyée sur le dispositif de formation imaginé par l’ARML Île-de-France et financé par l’Agefiph et la fondation Orange. Baptisé Aria (Accompagner, repérer, insérer les personnes autistes), ce parcours se construit en deux séquences.
La première est « un socle de base pour que les conseillers soient en capacité de repérer ces troubles, de communiquer avec les autistes, d’adapter les parcours et de co-construire le projet professionnel, détaille Murielle Avril, responsable du projet. Le second module est destiné aux conseillers entreprises de la MLI et comprend des capsules vidéos avec des témoignages. Le dispositif est accessible en e-learning, en présentiel ou en distanciel. En Haute-Garonne, la formation a été animée par un formateur autiste et le programme a été adapté pour avoir un parcours d’approfondissement, précise Murielle Avril.
« Cette formation permet de se rendre compte de l’importance des stimuli visuels ou auditifs, tels que les affiches ou l’éclairage. En enlevant ces stimuli, le jeune peut se concentrer sur l’échange qu’il a avec le conseiller », témoigne Ludivine, l’une des conseillères formée. « Lorsque le projet professionnel du jeune est flou, il faut se concentrer sur les passions du jeune car elles peuvent être des pistes intéressantes pour élaborer ce dernier », poursuit-elle. C’est, par exemple, la piste qui a été privilégiée pour Juliette, 17 ans. Diagnostiquée en classe de première et après avoir arrêté le lycée, elle est suivie à la Mission Locale de Haute-Garonne depuis quelques mois. Juliette est intéressée par l’art et souhaite devenir illustratrice. Après avoir signé un CEJ, elle a réalisé un stage aux éditions Jeunesse Milan, basée à Toulouse.
La Mission Locale s’est également appuyée sur la passion pour les chevaux de Lola, 17 ans, pour lui permettre de réaliser deux stages en animalerie. Leurs centres d’intérêt peuvent aussi devenir des atouts lors d’entretiens d’embauche. C’est ce qui s’est passé pour Lucas, 19 ans, multidys et autiste. C’est en amenant ses productions et ses carnets de dessin que le jeune homme a convaincu le responsable de production de la société Global Signa de le prendre en contrat d’apprentissage. « J’étais en recherche d’apprentis pour la production et la Mission Locale m’a contacté », rapporte Léo Humbert qui a été « agréablement surpris par Lucas et par sa motivation ».
UNE EXPÉRIMENTATION « RÉUSSIE » EN MILIEU ORDINAIRE
Au second semestre 2022, cinq jeunes autistes de la Mission Locale de Haute-Garonne ont expérimenté des mises en situation pendant trois semaines lors de stages en immersion pour découvrir les métiers de la distribution au sein d’un magasin Carrefour. Ils sont accompagnés par un formateur d’Handiwork, une structure qui aide les personnes en situation de handicap à découvrir le travail en milieu ordinaire. Le parcours est découpé en quatre jours de mise en situation (4 heures par jour) et un apport plus théorique d’une journée avec la Mission Locale. « Ça ressemble à un stage mais on est accompagné par un formateur », détaille Léa, 19 ans, dont le trouble autistique se manifeste par des TOC et une « régulation difficile des émotions ». Elle a d’abord commencé par de la mise en rayon avant d’opter pour le service en drive. Le 24 avril, elle commencera une formation dans le cadre d’un contrat de professionnalisation de six mois.
Pour Stéphane Fauconnier, directeur du magasin Carrefour de Labège, dans la métropole toulousaine, l’accueil de stagiaires autistes demande une « gestion au cas par cas » avec des informations et des briefs spécifiques. Il ne voit toutefois pas plus de complexité que dans l’aménagement de poste des 30 travailleurs handicapés déjà présents parmi les 400 salariés du magasin.
« C’est une réussite car deux d’entre eux vont signer un contrat de professionnalisation avec Carrefour, alors que ce n’était pas l’objectif poursuivi », explique Nadège Carrel, directrice de la MLI de Haute-Garonne. Le bilan est également « positif » pour les trois autres stagiaires car l’expérience « leur a montré qu’ils étaient capables [et] permet aux conseillers de travailler sur les savoir-faire, le savoir-être et la valorisation », poursuit-elle.
Financée par le conseil régional d’Occitanie en 2022, cette expérimentation devrait être reconduite en 2023 avec d’autres financeurs.